Buteur fétiche du Real Madrid pendant 14 ans, Ballon d’Or couronné à l’épilogue de sa carrière et intraitable N.9, Karim Benzema s’est construit un immense palmarès au fil d’une carrière jalonnée d’embûches en France et de gloire en Espagne, jusqu’à devenir une légende madrilène.
Le 1er juin au soir, lors d’une cérémonie organisée par le quotidien espagnol Marca, une petite fille fond en larmes sur scène en interrogeant Benzema sur son avenir. Le Français la prend dans ses bras et la console.
Cette fillette en pleurs, c’est le « Madridisme » tout entier résumé en une image. La preuve que le gamin de Bron, près de Lyon, est devenu l’âme du club où il est arrivé en 2009, à 21 ans.
Son départ, annoncé dimanche, laisse un peuple orphelin: le « Nueve » (« Neuf », comme son numéro) a symbolisé la gloire madrilène de la fin des années 2010 et du début des années 2020, aux côtés de Cristiano Ronaldo d’abord, mais aussi des indéboulonnables Tony Kroos, Luka Modric, Sergio Ramos et autres Marcelo.
Karim Benzema quitte le Real en étant le joueur qui y a gagné le plus de trophées (25, à égalité avec Marcelo), le deuxième meilleur buteur de l’histoire du club avec 353 buts, derrière CR7 et devant la légende Raul.
Meilleur avec le temps
« Karim Benzema s’améliore tous les jours comme le bon vin. Il est de plus en plus un leader dans l’équipe, dans le groupe. Il est un exemple pour tous », disait de lui son entraîneur Carlo Ancelotti l’année dernière.
Meilleur avec le temps: la formule sied parfaitement à cet attaquant complet, à la technique léchée, au style de jeu altruiste et à l’attitude irréprochable sur les terrains.
Car Benzema a progressivement fait fi de toutes les barrières pour gravir les échelons de son quartier de Bron, en banlieue de Lyon, jusqu’au sommet de la planète football.
Il a fallu, pour cela, se défaire de l’ombre de Cristiano Ronaldo, dont il a été le discret lieutenant pendant près de dix ans, jusqu’en 2018, avant de prendre la lumière à son tour.
Se défaire, surtout, d’une image de tête brûlée comme ses compères de la génération 1987 (Samir Nasri, Hatem Ben Arfa…), coincée entre sa collection de bolides, ses vêtements de luxe et ses fréquentations.
C’est d’ailleurs sa fidélité à son ami d’enfance Karim Zenati qui lui a valu ses ennuis dans l’affaire de la « sextape » de Mathieu Valbuena, où il a décidé en juin 2022 de renoncer à faire appel, entérinant sa condamnation à un an de prison avec sursis pour « complicité de tentative de chantage ».
Histoire de tourner définitivement cette page extra-sportive qui a marqué plus de cinq ans de sa carrière, cinq ans de mise au ban des Bleus.
L’épisode a sans doute terni à tout jamais son histoire avec l’équipe de France, qu’il a tout de même cru pouvoir emmener au titre mondial en décembre 2022 avant qu’une ultime blessure ne vienne briser ses rêves de Coupe du monde.
Mais en Espagne, Benzema est resté épanoui, que ce soit sur le terrain comme auprès du public, à qui il envoie sourires, clins d’œil et pouces levés. Cultivant aussi, ces dernières années, son image de père de famille rangé.
« Ballon d’Or du peuple »
Cette saison encore, malgré des pépins physiques à répétition, le capitaine merengue a fini meilleur buteur de son équipe avec 30 réalisations en 42 matches avant la 38e journée dimanche. À 35 ans.
Des statistiques honorables, mais dérisoires par rapport à sa fantastique saison 2021-2022, qui lui a valu la récompense individuelle suprême, le Ballon d’Or.
Avec 44 buts en 46 matches en club en 2021-2022, « KB9 » a porté la « Maison blanche » lors de l’épique campagne européenne qui a mené le Real vers sa 14e couronne en Ligue des champions.
Cette saison-là, l’ex-Bleu (97 sélections, 37 buts) a aussi porté l’équipe de France vers le sacre en Ligue des Nations, son seul trophée en Bleu.
En quinze ans à Madrid, Benzema a grandi. Arrivé à 21 ans contre 35 millions d’euros en même temps que CR7 et Kaka, le Nueve a été décrié, remplaçant, parfois sans confiance.
Mais il a su attendre son heure et faire son nid, mûrissant auprès de la figure tutélaire de Zinédine Zidane, qu’il a souvent qualifié de « grand frère », ce même homme qui lui remettra, à Paris, son fameux « Ballon d’Or du peuple ».
« Je dis +Ballon d’Or du peuple+ parce qu’ils y ont participé », avait expliqué Benzema le soir de la cérémonie. « Ils m’ont poussé à chaque fois malgré les obstacles, à tout moment ».