Dans sa déclaration à la presse quelques instants après l’arrivée du dernier contingent de la délégation algérienne qui a participé aux Jeux olympiques de Paris, le ministre de la Jeunesse et des Sports, Abderrahmane Hammad, s’est dit optimiste quant à l’avenir du sport algérien, après avoir remporté trois médailles en terres françaises, dont deux en or.
Pour le ministre, il s’agit d’un nouveau départ du mouvement sportif algérien après être passé à côté de la plaque lors des JO de 2021 à Tokyo, quand nos sportifs sont rentrés bredouilles de la capitale japonaise qui avait accueilli la 32e édition de la messe sportive planétaire.
Cependant, pour redémarrer sur de bons pieds, il faudra surtout tirer les leçons nécessaires de cette participation parisienne, même s’il s’agit de la meilleure moisson algérienne dans ces JO en terme de médailles d’or, aux côtés de celle de 1996, et la deuxième meilleure en nombre de breloques, toutes couleurs confondues derrière celle de l’an 2000 (5 médailles), en plus du fait qu’il s’agit de la première fois où l’Algérie gagne trois médailles dans trois disciplines différentes.
Mais les spécialistes sont unanimes à dire que cela ne suffit pas pour juger positive la participation algérienne dans ce rendez-vous, car les trois médailles récoltées pour la circonstance risquent de s’avérer les arbres qui cachent la forêt des échecs enregistrés dans cette même édition.
Au niveau de la moisson globale, il y a des sports quittant leurs épreuves sans la moindre victoire, comme ce fut le cas pour l’escrime à l’épée, la boxe (à l’exception du Khelif), et surtout les lutteurs qui ont marqué collectivement un point en 11 combats ! L’athlétisme était également loin des attentes (sauf pour Sedjati).
Certains athlètes ont donné le meilleur d’eux-mêmes, mais qui se sont heurtés à des adversaires plus forts qu’eux à tous les niveaux, ils ont donc abandonné très tôt, ce que nous devons accepter sur le plan sportif tant que notre niveau en la matière est encore très loin de celui mondial.
Selon les mêmes avis, il s’agit, en général, d’une faible participation, même si certains préfèrent la comparer aux éditions précédentes pour la positiver. Mais cela ne suffit pas pour apporter un jugement objectif, car chaque édition avait ses circonstances particulières.
DES CONFIRMATIONS ET BEAUCOUP DE DÉCEPTIONS
Il faut admettre d’ailleurs qu’au final, l’Algérie a gagné des médailles grâce aux athlètes dont nous attendions tous leur émergence, alors que la majorité est sortie de la compétition (il y en avait même ceux qui ont abandonné leurs compétitions), à quelques exceptions près (Belkadi , Bouzardi, Gouaned) qui ont au moins passé le premier tour.
Du coup, il n’est pas permis, selon toujours les mêmes avis, de comparer la moisson de 2024 avec celle de 1996, car le pays traversait, à l’époque, une situation sécuritaire très particulière et le sport était le dernier souci des pouvoirs publics. Cela s’était traduit, du reste, par l’absence d’aucun accompagnement aux sportifs concernés qui n’ont bénéficié d’aucune préparation spéciale, ni d’un soutien psychologique.
Malgré cela, nos athlètes sont revenus avec trois médailles dans un tournoi qui a vu l’Algérie représentée par 45 sportifs, dont une vingtaine de joueurs de l’équipe de handball. Une moisson ayant permis au pays de terminer les jeux à la 34ème place (la meilleure place), avec en primes plusieurs athlètes ayant réussi à atteindre des stades avancées de leurs épreuves, à l’image de Salima Souakri (judo), et Yahiaoui (haltérophilie), qui ont terminé à la cinquième place.
Où se situe le problème alors ? Est-ce dans l’athlète, le cadre technique, ou l’accompagnement et la motivation qui font défaut ? Pour les observateurs, il s’agit d’un ensemble, et chaque paramètre des trois cités complète l’autre.
L’athlète algérien en général n’a plus le même talent, la même envie et la même ambition. Il a davantage tendance à se plaindre donnant la priorité à l’aspect financier au lieu de se concentrer sur son travail et de se sacrifier pour un objectif précis.
Avons-nous des compétences avérées en matière de formation ? Avec tout le respect qu’on doit pour le cadre algérien, beaucoup pensent que nous avons cruellement besoin d’un remaniement dans toutes les disciplines, loin du favoritisme et de la politique d’exclusion.
LA TOUCHE DES ENTRAINEURS ÉTRANGERS
La preuve est là : les deux médaillées d’or lors des JO de Paris sont sous la coupe d’entraîneurs étrangers. Le reste de leurs coéquipiers, sortis dès le premier tour, sont coachés par des techniciens locaux.
Quant à Sedjati, il est sous la coupe d’Ammar Benida, un technicien qui a formé de nombreux champions et qui possède plus de 30 ans d’expérience en athlétisme et qui est tout le temps au diapason des méthodes d’entraînement modernes.
Le budget de préparation est-il suffisant ? Beaucoup de gens le considèrent comme tel, mais pour d’autres, il ne l’est pas. Le secrétaire général du Comité olympique algérien a indiqué, avant le départ pour Paris, que les pouvoirs publics ont alloué la somme de 280 milliards de centimes sur 3 ans à environ 150 athlètes pour se préparer et se qualifier pour les Jeux (dont 46 qualifiés).
Avec une petite opération mathématique, on se rend compte que chaque athlète a bénéficié en moyenne de 1,86 milliard de centimes (il y a ceux qui ont pris plus et ceux qui ont pris moins), qui ont couvert leurs préparations, et participations dans les compétitions internationales au titre des qualifications pour les JO, en plus de charges à attribuer aux staffs techniques et médicaux.
Autrement dit, ce dont bénéficie un sportif d’élite pendant 3 ans de préparation (et non un salaire qui lui profite personnellement et à sa famille) représente au maximum 3 salaires mensuels pour les joueurs de football à l’heure où notre championnat n’est toujours pas en mesure de fournir un joueur de valeur pour notre sélection nationale.
Parallèlement, il y a lieu de souligner que les USA allouent 800 millions de dollars pour chaque mandat olympique. Un simple calcul en fonction du nombre d’athlètes ayant participé aux Jeux olympiques nous renseigne que chaque athlète bénéficie de l’équivalent de 123 milliards de centimes.
La différence est donc de taille. Les autorités sportives en Algérie sont censées, selon plusieurs avis, se concentrer sur le soutien des sports dans lesquels l’Algérie a des traditions et sont porteurs de médailles.
La Jamaïque par exemple compte 83 médailles olympiques dans l’histoire, dont 82 en athlétisme + 1 en cyclisme ! C’est la raison pour laquelle dans ce pays l’on accorde tous les meilleurs moyens à l’athlétisme pour être assurés du plus grand nombre de médailles dans chaque édition des JO.