Vladimir Petkovic est un entraîneur calme, réfléchi et surtout réaliste. Il sait que le football moderne ne pardonne pas : les résultats priment sur tout.
À l’approche de la dernière étape de la qualification au Mondial-2026, il a convoqué de nouveaux joueurs afin de leur offrir une opportunité dans le second match contre l’Ouganda, une fois la qualification officiellement acquise.
Ce pragmatisme illustre une philosophie claire : la priorité reste la victoire, même si cela signifie retarder l’intégration des jeunes talents.
Beaucoup auraient préféré voir des cadres comme Mahrez ou Mandi sur le banc pour donner davantage de minutes aux jeunes — à l’image de Hadj Moussa, Bouanani ou Chiakha. Mais Petkovic assume ses choix et en portera la responsabilité à moyen terme. Car pourquoi cherchait-il à tout prix la victoire ? La réponse se trouve dans le poids croissant des enjeux.
Malgré sept victoires sur neuf avant d’affronter l’Ouganda, l’Algérie n’a assuré sa qualification qu’à l’avant-dernière journée. Un seul faux pas supplémentaire aurait pu tout compromettre. Face aux Ougandais, les Verts étaient d’ailleurs menés jusqu’à la 81e minute…
C’est cette réalité implacable qui a dicté la continuité du sélectionneur dans ses choix : conserver le même groupe pour renforcer la cohésion, et confier la responsabilité de la qualification aux cadres, plus aguerris au contexte africain.
Seul Amoura a dérogé à la règle
Petkovic a inséré progressivement un seul jeune dans ce noyau : Mohamed Amoura. Cette intégration lente, réfléchie, a porté ses fruits.
Le joueur a explosé au moment opportun, après une période d’adaptation essentielle. Beaucoup se rappellent encore les mots de Djamel Belmadi : « Laissez-le grandir ».
Ce que certains avaient tourné en dérision s’est révélé juste avec le temps. L’Afrique impose ses exigences : conditions climatiques, terrains difficiles, blocs défensifs compacts… Rien de tout cela n’aide un jeune à briller immédiatement.
Le cas Gouiri est tout aussi révélateur : malgré son statut d’espoir majeur en France, il n’a laissé aucune empreinte lors de ses cinq premiers matchs avec les Verts. Lui aussi avait besoin de temps. Et dans un système où chaque point compte, offrir ce temps aux jeunes peut coûter cher.
Les grands exemples du passé confirment cette logique. En 1994, Carlos Alberto Parreira a emmené Ronaldo à la Coupe du monde sans lui accorder une seule minute. Huit ans plus tard, Kaka n’a joué que 20 minutes au Mondial 2002. Ces talents ont ensuite brillé lorsqu’ils étaient véritablement prêts.
À l’inverse, le cas Yamal en Espagne reste exceptionnel : des profils comme le sien sont extrêmement rares aujourd’hui. Et pourquoi ces talents émergent-ils de moins en moins au niveau des sélections ? La réponse se trouve du côté de la FIFA.
Près de 80 % des dates FIFA sont désormais consacrées à des matchs officiels, ce qui pousse les entraîneurs à privilégier les vétérans pour sécuriser des résultats et conserver leur poste. Même les matchs amicaux deviennent des enjeux de classement FIFA, comme celui face à l’Ouganda, crucial pour maintenir l’Algérie dans le chapeau 3 avant le tirage au sort du Mondial.
En définitive, le problème dépasse Petkovic et l’Algérie. Le système actuel, dicté par la FIFA, pousse les sélectionneurs à penser court terme et à délaisser la formation des jeunes.
La course aux points et aux classements tue lentement l’éclosion des talents. Le football international, jadis terreau fertile pour les jeunes prodiges, devient un terrain verrouillé par la peur de l’échec.
Le vrai coupable n’est donc pas sur le banc de touche… mais dans les bureaux de Zurich, estiment les spécialistes.